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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/297

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recouvrait une tribune cachée ; ensuite s’étant informé de la cause de ces cris douloureux, il vint dire à Barras :

— Ce n’est rien, c’est une femme qui se trouve mal ; on la transporte dehors.

Alors chacun se rassit, le président du Directoire s’avança pour répondre à ceux qu’il appelait généreux guerriers, et l’assemblée, avide de recueillir les paroles adressées au nom de la patrie à ces jeunes vainqueurs, oublia bientôt le petit événement qui l’avait un instant distraite. Gustave seul en resta fort troublé ; ce cri de douleur avait porté l’effroi dans son âme, où le souvenir de Stephania entretenait une superstition funèbre. Il avait cru reconnaître la voix qui se plaignait, et dans son premier mouvement il s’élança vers la draperie ; mais Bessières le retint et lui dit :

— Soyez tranquille, ce n’est pas votre mère.

En effet, il aperçut madame de Révanne qui parlait à l’huissier et semblait le charger d’une commission, car il sortit aussitôt après l’avoir écoutée.

La cérémonie achevée, Gustave espérait pouvoir reconduire sa mère, et se donner le plaisir d’avoir, avant le dîner, une bonne querelle avec Athénaïs ; mais, ayant trouvé les officiers de la garde qui l’attendaient à la porte du Luxembourg pour se rendre avec lui chez le père Augereau, il remit son cheval à Germain ; et, se mêlant au groupe d’employés, d’officiers, de soldats, qui faisaient les honneurs de la fête, il prit avec eux le chemin de la rue Mouffetard.

Je les suivis confondu au milieu de la populace ; nous marchions tous au bruit des tambours et des fifres, et nos chants patriotiques attiraient tout le monde aux fenêtres. Tout à coup je vois Gustave s’arrêter en reconnaissant madame de Verseuil sur un balcon de la rue de Tournon ; elle lui fait un salut plein de grâce ; il y répond respectueusement, mais d’un air surpris et mécontent. Alors elle sourit en lui jetant le bouquet qu’elle tenait à la main ; il le retient avec adresse, le cache dans sa poitrine, et lève vers Athénaïs des yeux remplis de clémence et d’amour.