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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/305

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manqueraient pas de solliciter la faveur d’être admis chez une jolie femme, dont l’aventure galante faisait autant de bruit ; il fallait ne pas recevoir Alméric, ce charmant étourdi qui revenait de Hambourg, où la femme d’un négociant l’ayant associé au commerce de son mari, ce brave homme lui avait fait gagner des sommes considérables, qu’il s’apprêtait à dépenser à Paris le plus gaiement possible. Cet ami d’enfance avait été de tout temps la terreur des amours de Gustave ; il savait combien l’ascendant qu’Alméric prenait sur l’esprit des gens qu’il voulait captiver devenait impérieux ; et il redoutait surtout son talent d’amuser en faisant rire de ce qu’il y a de plus sacré sur la terre ; mais Athénaïs, tout en se moquant des craintes de Gustave présent, jura de les respecter dans son absence ; et mon maître, rassuré sur ce point essentiel, se trouva plus calme, et plus fort pour soutenir l’entretien que lui ménageait sa mère.

Rentré chez lui, il apprit que madame de Révanne l’avait déjà fait demander plusieurs fois ; et il se rendit près d’elle.

— Avant de nous séparer encore, mon cher Gustave, lui dit-elle d’un air triste, il faut que je vous confie mes peines.

Ces premiers mots émurent visiblement Gustave ; la certitude que son propre malheur pouvait seul causer le chagrin de sa mère l’empêcha de lui adresser la question que ce début commandait ; et après un moment de silence, madame de Révanne ajouta :

— La guerre, en vous épargnant malgré les dangers que vous avez si courageusement bravés, m’inspirait moins d’effroi ; je rêvais pour vous un avenir glorieux, et votre bonheur me semblait ne pouvoir m’échapper. Il faut renoncer à la moitié de cette espérance. Vous ne serez pas heureux, mon fils !

— Je vous comprends, répondit Gustave, et je cesse de m’affliger d’une inquiétude que le temps dissipera bientôt. Je conçois qu’abusée sur le caractère de madame de Verseuil, ne connaissant d’elle que les torts dont je suis complice, vous soyez effrayée de me voir enchaîné pour la vie à une femme que votre sagesse vous donne tant de droits de blâmer ; mais vous ignorez toutes les circonstances qui l’ont