Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/343

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ressentit une joie extrême ; et sa gaieté fut d’un grand secours contre la tristesse de semblables moments. Gustave, qui ne pouvait se résoudre à le quitter, laissa partir sa mère, accompagnée de M. de Saumery ; et, après s’être engagé à les rejoindre bientôt chez son général, il se remit à jouer avec Alfred. Ils étaient restés tous deux seuls dans la chambre de madame de Révanne ; mais, comme la vivacité d’Alfred ne se serait pas arrangée d’une conversation au coin du feu, on avait laissé la porte du salon ouverte, pour qu’il pût à son gré courir d’une chambre à l’autre. Alfred avait déjà transporté plusieurs fois ses joujoux dans le salon, les avait ensuite rapportés ; et Gustave, accoutumé à ces petits voyages, ne les surveillait plus. Tout à coup il entend un bruit épouvantable, des cris perçants. Il vole dans le salon, voit la table à thé renversée, et Alfred étendu par terre, couvert de porcelaine cassée, et presque étouffé sous les débris d’un vase de cristal. Il le relève précipitamment, cherche avec effroi d’où sort le sang qui coule sur son visage, et veut apaiser ses cris. Mais ces cris déchirants avaient été entendus de la chambre voisine. Une femme en sort aussitôt, et vient arracher l’enfant des bras de Gustave ; puis, se soutenant à peine, elle s’assied, met Alfred sur ses genoux, et soulève d’une main tremblante les boucles de cheveux qui lui cachent ses traits ensanglantés.

— Rassure-toi, s’écrie Gustave ; il n’est pas blessé !

Et, se jetant à genoux près de Lydie, il lui montre qu’Alfred n’a que deux légères coupures au front, et lui affirme que la peur qu’il a eue est la seule cause des cris qu’il jette encore. Tout à son inquiétude, Lydie ne semble pas l’écouter. Alors il court chercher de l’eau, en fait boire à l’enfant, lui donne des bonbons. Bientôt Alfred se calme, et, les yeux encore pleins de larmes, il sourit à son père. Ah ! qui peindra les délices attachées à ce sourire, à ces moments divins, où deux âmes qui succombaient au même effroi renaissent à la même espérance !

Cependant, Lydie rassurée n’a point encore levé les yeux ; assise sur le canapé, sa tête reste penchée vers celle de l’enfant que, soutient son bras ; et, sans le tremblement qui l’a-