toire, ce qui est, à mon avis, le plus grand des ennuis attachés à tous les accidents. Aussi ai-je fort approuvé le parti qu’avait pris M. J*** lorsqu’il fit imprimer la relation de sa captivité en Perse, uniquement, dit-il, pour n’être plus obligé de la raconter.
L’arrivée d’un homme vêtu d’un habit gris, d’une veste noire, avec une culotte brune et des bas bleus, suspendit le cours de toutes ces questions. On l’annonça sous le nom de M. Deschamps ; et aux acclamations qui se firent entendre à son entrée, je ne doutai pas que sa tenue bizarre ne provoquât la gaieté de tout le monde : c’était bien en effet de la joie, mais il ne s’y mêlait pas la moindre dérision. Sous ce costume rustique, on avait reconnu l’ancien curé de Révanne, respectable vieillard, que les fureurs révolutionnaires avaient réduit à se cacher pendant trois ans chez un cultivateur de ses amis qui venait de mourir, et dont les héritiers avaient donné congé à celui qu’ils appelaient le vieux calotin, sans même lui laisser le temps de trouver un autre asile. S’étant mis en route son petit paquet sur le dos, et sans savoir précisément où il irait dépenser le peu d’argent qui lui restait, un voyageur l’avait tiré de peine en lui apprenant que la marquise habitait encore le château de Révanne. « Je suis sauvé, s’était-il écrié ! »
Ce mot peint à lui seul le cœur de madame de Révanne ; on ne pouvait mieux la connaître : celui qui s’était vu si souvent chargé de distribuer ses bienfaits avait raison de compter sur sa bonté protectrice. Dès le soir même, le vénérable curé se vit établi dans un des pavillons qui tenaient aux dépendances du château. Madame Duval fut chargée de son service particulier ; emploi que, dans sa dévotion, elle regarda comme la retraite la plus honorable. Les habitants du village s’empressèrent de venir saluer leur ancien pasteur : celui dont les aumônes et les sages conseils les avaient si souvent secourus dans le malheur. Combien depuis ces temps de trouble ils avaient regretté ce véritable ministre de la bonté divine ! Le retour de madame de Révanne leur avait donné un moment l’espérance de le revoir ; ils ne croyaient pas que la source de tant de bienfaits pût leur être rendue, sans retrou-