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L’APPEL DE L’AMOUR

De ma paillote, je vois passer les femmes indigènes qui vont au puits. Elles sont belles, larges, pulpeuses.

Leurs robes aux teintes vives alourdissent leurs corps déjà lourds. Des foulards multicolores s’enroulent sur leurs cheveux sombres et crépus qu’une fois par mois elles lavent dans le sable et l’huile de palme puis enroulent en deux tresses entremêlées de coquillages et de verroterie.

Ce sont des harratines, Arabes mélangées de sang noir. Elles ont les lèvres épaisses de leurs grand’mères soudanaises et la féminité voluptueuse et noble des femmes musulmanes.

Babillantes et rieuses, dans un envol de couleurs ardentes, elles défilent sous le soleil saharien, me jetant, dans leur langue, un salut rauque.

Fatouma, une épaisse matrone, s’arrête un instant et m’offre un panier qu’elle a tressé pour moi.

Puis elle part, ses mains arquées sur ses hanches, son vase sur sa tête, d’une démarche ondulante et souple.

À la place qu’elle vient de quitter, un paquet de lettres, attachées par un ruban violet, est tombé.

Machinalement, je les ramasse et je suis surprise de voir sur les feuillets de papier une écriture élégante et fine.

Un sentiment complexe, bien plus fort qu’une curiosité, le pressentiment de je ne sais quel mystère, fait que je m’attarde à les contempler. La tentation est trop forte. Il me fallait les lire.