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ON NE DOMPTE PAS L’AMOUR

pour s’obliger à rester inerte. De cinq accidents dangereux, il avait tiré cette leçon. Les yeux grands ouverts, il laissait le félin jouer avec lui comme avec une poupée de son.

Dans une sorte de brouillard, il vit Catherine élever une arme pour tirer.

Et il eut peur, une peur atroce. Il sentait que, entre la bête et lui, elle n’hésiterait pas. Elle aimait Aziza plus que lui. Elle allait le sacrifier. On croirait à un accident, et nul ne se douterait du drame.

Leurs yeux se rencontrèrent.

Le coup partit. L’étreinte qui l’immobilisait se desserra. Marco sentit qu’il était libre, sauvé.

Puis, brusquement, il se rendit compte au contraire qu’il était à tout jamais perdu. Catherine avait eu pitié. Et un dompteur qui fait pitié est un homme fini.

En effet, un mois plus tard, un vieux lion d’allure bonasse, se rendant compte qu’il avait perdu sa force, se jeta sur lui et le dévora.

Catherine n’était pas là, cette fois, pour renouveler le geste libérateur. Malgré l’angoisse du néant, tout proche, Marco eut un soulagement infini.

Et nul ne put voir, sur son visage affreusement mutilé, qu’il était mort heureux.