Page:Nicolaï - La mort fait le trottoir, 1948.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
147
LA MORT FAIT LE TROTTOIR

née pour aller à Pavillons-sous-Bois voir sa sœur qui est mariée à un employé du gaz qui vient d’accoucher, et je lui avais dit d’y aller parce que, pour moi, la famille, c’est sacré, et que j’ai bien regretté de ne pouvoir y aller quand mon frère a eu ses deux jumeaux ; mais quand on est dans le commerce, vous savez ce que c’est, on n’est plus son maître…

Neyrac ne manifestait nulle impatience. Son principe était de ne jamais bousculer les témoins afin d’éviter de les troubler et de leur faire perdre le fil d’une mémoire toujours fragile.

La charcutière reprit souffle et continua :

— Tout ça pour vous dire, mon bon monsieur, que sur le coup d’une heure, une heure et quart…

— Une heure et demie, intervint l’homme.

— Je sais ce que je dis, rétorqua la femme. Il n’était pas plus d’une heure et quart. La preuve c’est que tu n’avais même pas fini ta salade de museau. C’est vrai que tu ne manges pas vite, mais tout de même.

— Mettons entre une heure et quart et une heure et demie, coupa Neyrac.

— Si vous voulez, mais plutôt vers le quart que vers la demie, on était en train de déjeuner, monsieur Jordaens et moi, dans l’arrière-boutique. C’est notre heure, après le coup de feu de midi. Bon. Tout à coup, j’entends du bruit dans la boutique. « Tiens, que je fais, un client. Ils me laisseront donc pas manger tranquille. » Car, il faut