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Page:Nicolaï - La mort fait le trottoir, 1948.djvu/224

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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

débarrasser d’un souci, peut-être chercher un soutien. Quoi qu’il en soit, elle fut une maîtresse exquise. et quand je m’en allai vers une heure du matin, nous avions pris rendez-vous pour le lendemain. Je l’avais priée à souper et, tandis que je rentrais chez moi, l’idée d’une liaison plus suivie naissait en moi. Ruby eut été une amie charmante. Vous pouvez donc saisir quel fut mon émoi quand j’appris par les journaux l’épouvantable crime dont elle était la victime.

L’homme pâlit, mit sa main gantée devant ses yeux.

— Quelle vision ! J’avais encore dans les yeux le spectacle exquis de sa nudité offerte, je suivais dans ma mémoire les lignes émouvantes de ce jeune corps qui avait été à moi… Et les journaux me décrivaient les horribles mutilations de ce même corps. C’est atroce, monsieur.

Il se tut un instant. Neyrac n’eut garde de troubler son silence. Puis l’inconnu se raidit.

— Je m’excuse de ce moment d’émotion. Je crois que j’aurais aimé véritablement Ruby. Pourquoi, en apprenant le crime, n’ai-je pas bondi au premier commissariat venu pour crier ce que je savais ? Les plus audacieux d’entre nous, Monsieur, sont lâches devant les petites choses. On ne redoute pas le péril, la mort, mais on est terrifié par l’idée d’un chuchotement. J’ai vu mon nom mêlé à cette affaire de danseuse ; j’ai vu les reporters se ruer à ma poursuite, m’assaillir de questions, puis