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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

Une fille qui dansait presque complètement nue sur la scène du Casino avait-elle à s’effaroucher du désir d’un homme qu’elle n’avait pas repoussé ? Ruby était mécontente des autres et d’elle-même.

Comme elle passait devant le Shangaï, un homme la croisa, la regarda, s’arrêta, fit demi-tour, se mit à la suivre. Ruby hâta le pas ; l’inconnu fit de même.

Il n’y avait qu’eux dans la rue.

Rapidement, Ruby se retourna. L’homme se trouvait précisément dans la lueur d’un réverbère. Elle vit qu’il était assez grand. Il portait un manteau gris dans l’ouverture duquel apparaissait un foulard jaune, mais le bord baissé de son feutre noir ne lui permit pas de distinguer ses traits. Son allure générale était celle d’un homme vigoureux d’une quarantaine d’années. Il tenait ses deux mains dans ses poches.

La jeune fille changea de trottoir. L’homme également traversa la rue. Les maisons semblaient hostiles, les réverbères indifférents. Ruby pensa qu’elle pourrait crier, appeler : personne ne se dérangerait. S’il fallait s’inquiéter à Montmartre pour une femme qui crie dans la nuit ?

Elle eut peur. Elle se sentait faible, désarmée devant l’homme au visage secret. Elle se mit à courir. Cela ne servait à rien, mais la peur panique qui l’avait saisie ne la laissait pas réfléchir. Le plus sûr résultat de sa course fut de l’amener essoufflée, tremblante devant la porte d’entrée de