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LA MORT FAIT LE TROTTOIR

gnait. Aussitôt d’ailleurs surgissaient figurants et figurantes pour le grand final du premier acte qui leur servait en quelque sorte d’apothéose.

Après cela, elles étaient haletantes, essoufflées. La vieille habilleuse devait éponger leurs corps ruisselants de sueur. Elle les étrillait rudement à la serviette. Puis elles passaient la robe verte à reflets d’argent, coiffaient la perruque à longs cheveux blonds. Elles étaient ainsi, dans l’atmosphère glauque des projecteurs voilés, deux sirènes qui semblaient mener leurs évolutions voluptueuses dans des profondeurs sous-marines. Leurs gestes lents étaient d’appel, puis d’étreinte. Elles séduisaient, attiraient, enlaçaient. D’invisibles navires s’immobilisaient et, subjugués, de non moins invisibles marins obéissaient à leur fascination, et les serrant contre leurs gorges fières et leurs bouches offertes elles les entraînaient dans les profondeurs.

C’était là le triomphe des May Sisters. Il émanait de leur danse une volupté étrange, une morbidité sensuelle en laquelle se mêlaient l’amour et la mort. Et Liliane et Ruby étaient si semblables l’une à l’autre que l’œil cherchait en vain à les suivre en leurs évolutions et qu’il fallait s’abandonner au charme en renonçant à s’attacher à l’une plutôt qu’à l’autre.

Dès qu’elles sortaient de scène après les deux rappels, l’habilleuse jetait sur elles des peignoirs de bain. Liliane hâtivement en noua la cordelière et d’un pas rapide gagna sa loge.