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Rapidement, Annette prit les lettres, les cacha dans la grande poche de son tablier et s’obligea à sourire.

Brigitte apparaissait, moulée dans le peignoir d’Annette qui était trop étroit et révélait des formes parfaites.

Qu’elle était belle ! Annette se demanda comment elle arriverait à lutter contre cette femme.

— Comme vous êtes pâle, disait Brigitte. Vous sentez-vous souffrante ?

— Non… Non… Je crois que j’ai faim, tout simplement.

— Mangeons alors… si c’est possible. Car je tiens à rentrer chez moi assez tôt.

— Je vais m’en occuper.

Dans l’escalier, Annette croisa son mari. Il s’effaça pour la laisser passer. Elle eut une envie folle de le prendre dans ses bras…

— Jacques ! murmura-t-elle.

Il la regarda, esquissa un sourire…

— Qu’y a-t-il ?

Elle sentit ce qu’aurait de ridicule une scène d’attendrissement dans un escalier, alors que Brigitte les regardait de loin avec son sourire moqueur.

— Nous passons à table tout de suite, se contenta-t-elle de dire.

À les voir tous trois assis une demi-heure plus tard devant le dîner appétissant, nul n’aurait pu deviner le drame qui se jouait entre ces trois êtres. Brigitte menait la conversation d’une voix mondaine. Elle revenait de voyage et avait maintes anecdotes à raconter sur les pays qu’elle avait visités. Jacques lui donnait la réplique. Annette, heureusement très occupée, pouvait se contenter de placer un mot ici ou là, vaquant de la salle à manger à la cuisine.

Après le café, Brigitte se leva d’un bond :

— Il est temps que je me sauve.

— Je vous accompagne, dit Jacques en se levant.

— Volontiers.

Elle remit ses vêtements déjà secs, remercia son hôtesse. Et la voiture partit dans la nuit. Quelques instants plus tard, elle revenait.

— Déjà ? s’étonna Annette.

— Le pont a été enlevé par l’orage, impossible de passer, expliqua son mari.

— Il faut que vous me logiez cette nuit, lança Brigitte. J’abuse vraiment de votre hospitalité.

— Ne dites pas cela, je suis ravie de pouvoir vous être utile, protesta Annette.

Au dedans d’elle-même, elle se sentait à bout de forces. Elle ne désirait qu’une chose : se retrouver seule avec Jacques, et cela même semblait impossible !

Elle lança à son mari un regard désespéré. Il eut un vague sourire amical qui la réconforta.

— Nous n’avons pas de chambre d’amis, expliqua-t-elle à Brigitte. Il faudra vous contenter d’un divan dans le salon.

— Ce sera parfait comme cela, ne vous inquiétez pas.

Lorsque Annette, ayant installé leur voisine, remonta dans sa chambre, elle vit que Jacques l’avait désertée cette nuit encore…

Elle se glissa dans les draps et resta immobile comme pour donner moins de prise aux pensées folles qui l’assaillaient.

C’est ainsi que le sommeil la surprit.

Un sommeil si léger toutefois qu’il ne l’empêcha pas d’entendre une heure plus tard à peu près un bruit dans l’escalier.

Elle ouvrit la porte de sa cham-