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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


156

Ô idole ! avant que le chagrin vienne t’assaillir, ordonne de nous servir du vin couleur de rose. Tu n’es pas d’or, toi, ô insouciant imbécile ! pour croire qu’après t’avoir enfoui dans la terre on t’en retirera [1].


157

Ce monde n’a retiré aucun avantage de ma venue ici-bas. Sa gloire et sa dignité n’ont également rien gagné à mon départ. Mes deux oreilles n’ont jamais entendu dire à personne pourquoi l’on m’y a fait venir, pourquoi l’on m’en fait sortir.


158

Tous tes secrets sont connus du savant des cieux (Dieu) ; il les sait cheveu par cheveu, veine par veine. J’admets qu’à force d’hypocrisie tu puisses tromper les hommes, mais que feras-tu devant lui, qui connaît (de tes méfaits) tous les détails un à un[2] ?


159

Le vin donne des ailes à ceux qui sont atteints de mélancolie ; le vin est un grain de beauté sur la joue de l’intelligence ; nous n’en avons pas bu durant le rèmèzan qui s’est écoulé, mais nous voici arrivés à la nuit de la fête du mois de cheval[3] (nous allons donc nous dédommager).

  1. Allusion au jour de la résurrection. Cette épithète énergique : ô insouciant imbécile, etc. est à l’adresse des éternels ennemis de Khèyam, les moullahs, qui espèrent redevenir chair après avoir été réduits en poussière, croyance que les soufis repoussent en proclamant le néant de la matière.
  2. Persiflage contre les moullahs, dont la conduite est en désaccord avec la doctrine.
  3. Ce quatrain renferme un nouveau trait à l’intention de ceux d’entre les vrais croyants qui, par un reste de respect pour les préceptes du Koran, s’abstiennent de vin pendant le rèmèzan et qui attendent avec impatience la fête du 1er chèval pour recommencer leurs libations. On sait que cette fête est célébrée avec beaucoup de pompe par les musulmans en Turquie, et surtout à Constantinople.