Chaque gorgée de vin que l’échanson verse dans la coupe vient éteindre dans tes yeux brûlants le feu de tes chagrins. Ne dirait-on pas, ô grand Dieu ! que le vin est un élixir qui chasse de ton cœur cent douleurs qui l’oppressaient ?
Lorsque la violette aura teint sa mantille, lorsque le zéphyr aura fait épanouir les roses, alors celui-là est intelligent qui, en compagnie d’une personne au corps argenté, boira du vin et frappera ensuite la coupe contre la pierre[1].
Le dévot ne saurait apprécier aussi bien que nous ta divine miséricorde. Un étranger ne peut te connaître aussi parfaitement qu’un ami à toi. (On prétend) que tu as dit : Si vous commettez des péchés, je vous conduirai en enfer. Va donc dire cela à quelqu’un qui ne te connaisse pas.
Une gorgée de vin vaut l’empire du monde entier ; la brique[2] qui couvre la jarre vaut mille existences. Le linge avec lequel on s’essuie les lèvres humectées de vin vaut, en vérité, mille téilessans[3].
Ô amis ! convenez d’un rendez-vous (après ma mort). Une fois réunis, réjouissez-vous d’être ensemble, et, lorsque l’échanson prendra dans sa main une coupe de vin vieux, souvenez-vous du pauvre Khèyam et buvez à sa mémoire.
- ↑ Frapper la coupe contre la pierre, signifie : boire jusqu’à la dernière goutte ; rubis sur l’ongle.
- ↑ Couvercle en terre cuite servant à couvrir les jarres où les Persans et les Arméniens conservent leur vin. public.
- ↑ Le téilessan est une espèce de turban d’une forme particulière que les Santons, sorte de moines en Turquie, portent en signe d’une grande austérité de mœurs, et qui le plus souvent les expose à la dérision du public.