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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


202

Ce qui sied à la jeunesse, c’est le vin, c’est le jus limpide de la treille, c’est la société des belles[1], et puisque l’eau a réduit en ruine ce monde de néant[2], ce qui nous sied à nous, c’est de nous y ruiner dans le vin, c’est d’y passer notre vie dans l’ivresse la plus complète[3].


203

Apporte de ce rubis balais[4] dans une simple coupe de cristal, apporte cet objet habituel et chéri de tout homme généreux. Puisque tu sais que tous les êtres ne sont que poussière, et qu’un vent qui souffle pendant deux jours les fait disparaître, apporte du vin.


204

Ô toi, à la recherche de qui un monde entier est dans le vertige et dans la détresse ! le derviche et le riche sont également vides de moyens pour parvenir à toi : ton nom est mêlé aux entretiens de tous, mais tous sont sourds ; tu es présent aux yeux de tous, mais tous sont aveugles.


205

En compagnie d’un ami aimable[5], ce qui m’agrée c’est une coupe de vin. Lorsque je deviens la proie du chagrin, ce qui me convient c’est d’avoir les yeux pleins de larmes. Oh ! ce monde abject ne devant pas pour nous avoir de durée, ce qu’il y a encore de mieux c’est d’y demeurer ivre-mort !

  1. Les orientalistes pourront chercher et vérifier dans le texte le mot que les conve- nances ne nous permettent pas de traduire littéralement.
  2. Allusion au déluge universel.
  3. La beauté de ces deux derniers hémistiches consiste surtout, en persan, dans la répétition du mot [Texte en persan], détruit, réduit en ruine. Puisque l’eau a détruit le monde, notre poëte exaspéré forme le vœu que le vin à son tour nous détruise ! On a vu plus haut qu’être détruit par le vin, c’est être ivre-mort.
  4. Du vin, comparé à cette pierre précieuse à cause de sa couleur et de sa pureté. Boileau a employé la même comparaison dans ces vers :
    Où la joie en son lustre attirait les regards,
    Et le vin en rubis brillait de toutes parts.
  5. Dieu.