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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


210

Es-tu triste ? prends un morceau de hachich gros comme un grain d’orge, ou bois un tout petit mèn[1] de vin couleur de rose. Tu es devenu soufi, enfin ! Tu ne bois pas de ceci, tu ne prends pas de cela ; il ne te reste qu’à manger des cailloux, va donc manger des cailloux[2] !


211

Hier, j’ai remarqué au bazar un potier donnant à outrance des coups de pied à une terre qu’il pétrissait. Cette terre semblait lui dire : Moi aussi j’ai été ton semblable ; traite-moi donc avec moins de rigueur.


212

Si tu bois du vin, toi, bois-en avec des gens intelligents, boisen en compagnie de ces ravissantes idoles, ayant le sourire sur les lèvres et les joues colorées du teint de la tulipe. N’en bois pas trop, ne le divulgue pas, n’en fais pas un refrain, bois-en peu, de temps à autre et en cachette[3].


213

Le vin, bois-le en compagnie de ces créatures sveltes qui, par le vermeil de leurs joues, ravissent les cœurs. Tu es mordu par le serpent du chagrin ; ami, bois donc de l’antidote[4]. Moi, j’en bois et je m’en flatte, puisse-t-il m’être propice ! Si tu n’en bois pas, que veux-tu que j’y fasse ? Va manger de la terre[5].


  1. Poids persan d’environ six livres.
  2. Ce quatrain est conçu dans le même esprit que le précédent. (Voyez note 5, quatrain 209.)
  3. Ce quatrain a un sens ironique et s’adresse aux profanes musulmans comme pour leur reprocher leur hypocrisie, car dans l’opinion du poëte, ils font, tout en affectant une abstinence rigoureuse, justement en secret chez eux ce qu’il leur dit ici sous forme de conseil,.
  4. Du vin.
  5. Pour cette expression, voyez note 3, quatrain 218.