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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


260

Mon amour est à l’apogée de sa flamme. La beauté de celle qui captive mon âme (la Divinité) est complète. Mon cœur parle, mais ma langue, restée muette, refuse d’exprimer mes sentiments. Grand Dieu ! a-t-on jamais vu chose plus étrange ? Je suis dévoré par la soif, et devant moi coule une eau fraîche et limpide [1] !


261

Mets une coupe de vin dans ta main, puis mêle ta voix à celle des rossignols, car s’il était convenable de boire ce jus de la treille sans accompagnement d’aucune voix harmonieuse, le vin ne ferait lui-même aucun bruit en coulant hors du flacon[2].


262

Garde-toi de désespérer jamais, pour un crime commis, de la clémence du souverain Créateur, de ce maître miséricordieux ; car mourrais-tu, aujourd’hui, dans l’état de la plus complète ivresse, que demain il pardonnerait tout à tes os putréfiés[3].


263

Ô roue des cieux ! ta course circulaire ne me satisfait pas. Délivrem’en donc, car je suis indigne de ta chaîne. Si ton bon plaisir consiste à n’accorder tes faveurs qu’aux pauvres d’esprit, aux idiots, je ne suis ni assez intelligent, ni assez savant (pour en être frustré).

  1. Khèyam, dans son extase, ne trouvant pas de termes assez vigoureux pour exprimer les flammes ardentes de son amour passionné pour la Divinité, se compare à un homme dévoré par une soif brûlante, et qui, paralysé de tous ses membres, ne peut se désaltérer dans le fleuve qui coule près de lui.
  2. Allusion à ceux des fidèles qui, pour être à l’abri du blâme, boivent du vin en cachette et sans bruit. Le poëte semble leur demander si le glouglou du flacon ne parle pas assez haut pour démasquer leur hypocrisie.
  3. Ce quatrain fait la contre-partie des versets du Koran où il est dit qu’il n’y a point de pardon pour ceux qui s’écartent de la doctrine islamique. (Voyez chapitre La vache, versets 6, 9, 14 et 37, et beaucoup d’autres passages du Koran.) Que reste-t-il de l’homme, selon Khèyam, après sa mort ? De la poussière. Dieu, qu’a-t-il à pardonner à cette poussière, puisque l’esprit qui l’animait est remonté à lui ?