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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


276

Ne va pas croire que je craigne le monde, ou que j’aie peur de mourir, de voir mon âme s’en aller. La mort étant une vérité, je n’ai rien à craindre d’elle. Ce que je crains, c’est de n’avoir pas assez bien vécu.


277

Jusques à quand serons-nous esclaves de notre raison de tous les jours ? Qu’importe que nous restions cent ans en ce monde, ou que nous n’y demeurions qu’un jour ? Va, apporte du vin dans un bol avant que nous soyons transformés en cruches dans l’atelier du potier.


278

Jusques à quand nous blâmeras-tu, ô ignorant religieux ! Nous, nous sommes les chalands de la taverne, nous sommes constamment pris de vin. Toi, tu es tout entier à ton chapelet, à ton hypocrisie, à d’infernales machinations. Nous, toujours la coupe en main et près de l’objet de nos amours, nous vivons au gré de nos souhaits.


279

Vendons le diadème du Khan[1], la couronne du Key, vendons, pour racheter le son de la flûte, vendons le turban, la soutane de soie, oui, pour une coupe de vin, vendons le chapelet qui à lui seul contient une armée d’hypocrisie.


280

Le jour où le jus de la vigne ne fermente point dans ma tête, l’univers m’offrirait un antidote que ce serait du poison pour moi. Oui, le chagrin des choses de ce monde est un poison, son antidote, c’est le vin. Je prendrai donc de l’antidote pour n’avoir pas à craindre le poison.

  1. Les Orientaux désignent les souverains de la Chine sous le titre de Khan et de Khakan, et les rois de la Perse sous celui de Key. Ce dernier titre s’applique proprement aux Achéménides. Vendons le diadème, etc. signifie : échangeons la royauté contre un son de flûte, contre une coupe de vin.