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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


322

Pour celui qui se rend compte des vicissitudes humaines, la joie, le chagrin, la peine, tout cela est identique. Le bien et le mal de ce monde devant un jour finir, qu’importe que tout soit tourment pour nous, ou tout agrément ?


323

Maintenant que le rossignol a fait entendre sa voix, ne pense plus qu’à saisir la coupe de vin en rubis de la main des buveurs ; lèvetoi, viens, car les roses épanouies respirent la joie ; viens, vengetoi, venge-toi durant deux ou trois jours des tourments que tu as endurés.


324

Regarde cette coupe faite de matière : elle est enceinte d’une âme ! On dirait un jasmin produisant des fleurs de l’arbre de Judée. Mais que dis-je ? L’éclatante pureté du vin est cause de mon erreur : oh non ! (ce n’est point une coupe) c’est une eau diaphane qui est grosse d’un feu liquide[1].


325

Lève-toi, laisse-là les soucis de ce monde qui fuit, sois dans l’allégresse, passe gaiement cette vie d’un instant, car si les faveurs du ciel eussent été constantes pour les autres, leur tour de jouissance ne serait pas venu jusqu’à toi.


326

Écoute-moi, ô toi qui n’as pas vu de vieux amis[2] ! Ne t’inquiète pas de cette roue des cieux qui n’a ni surface ni fond : contente-toi de ce que tu as, et, en paisible spectateur, observe ici-bas les jeux divers de la destinée des hommes.

  1. [Texte en persan], verre, cristal pur, diaphane. Le poëte joue ici sur le mot [Texte en persan], qui signifie aussi eau, [Texte en persan], verre, cristal, glace ; [Texte en persan], feu qui coule, liquide. Les poëtes orientaux emploient souvent cette figure pour désigner le vin, qui brûle ou fait disparaître le chagrin comme le feu brûle les combustibles.
  2. C’est-à-dire : Ô toi qui n’as pas encore fréquenté des hommes vieux d’expérience ; ô toi, jeune encore dans la connaissance des choses de ce monde.