Emploie tous tes efforts à être agréable aux buveurs ; suis les bons conseils de Khèyam. Ô ami ! détruis les bases de la prière, celles du jeune, bois du vin, vole (si tu veux), mais fais le bien.
La justice[1] est l’âme de l’univers ; l’univers est un corps. Les anges sont les sens de ce corps ; les cieux, les éléments, les créatures en sont les membres ; voilà l’unité éternelle. Le reste n’est que tromperie.
Hier au soir, dans la taverne, cet objet de mon cœur qui me ravit l’âme (Dieu) me présenta une coupe avec un air ravissant de sincérité et de désir de me complaire, et m’invita à boire. « Non, lui dis-je, je ne boirai pas. — Bois, me répondit-il, pour l’amour de mon cœur. »
Veux-tu que l’univers se soumette à ta volonté ? Occupe-toi sans cesse à fortifier ton âme. Partage mon opinion qui consiste à boire du vin et à ne jamais nous soucier des choses d’ici-bas.
Les sages ont beau considérer d’un bout à l’autre ce monde de poussière, séjour de l’inconstance, ils n’y verront rien d’agréable que le vin en rubis et les beaux visages[2].
- ↑ On a vu plus haut que justice, droit, raison sont synonymes de Dieu.
- ↑ Les orientalistes pourront vérifier dans le texte le genre des beaux visages dont parle Khèyam dans ce quatrain, ce qui leur paraîtra d’autant plus bizarre que le poète fait allusion à la Divinité, qu’il contemple dans ses créatures.