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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


332

C’est grâce à l’iniquité de cette roue des cieux, qui ressemble à un miroir, c’est grâce au mouvement périodique de ce temps, qui n’accorde ses faveurs qu’aux plus abjects, que mes joues, creuses comme la coupe, sont inondées de larmes ; et, semblable au flacon, mon cœur est plein de sang[1].


333

Hier (avant le jour), en compagnie d’une ravissante amie et d’une coupe de vin rose, j’étais assis au bord d’un ruisseau. Devant moi était placée la coupe, cette coquille dont la perle (le contenu de la coupe) répandait un tel éclat de lumière que le héraut du soleil, s’éveillant en sursaut, annonça le réveil de l’aurore.


334

Oublie le jour qui a été retranché de ton existence ; ne t’inquiète pas de celui de demain, qui n’est pas encore venu ; ne te repose pas sur ce qui est ou sur ce qui n’est plus ; vis un instant heureux et ne jette pas ainsi ta vie au vent.


335

N’as-tu pas honte de te livrer à la corruption ? de négliger ainsi et les commandements et les défenses[2] ? J’admets que tu parviennes à t’approprier tous les biens de la terre, que pourras-tu en faire si ce n’est de les abandonner à ton tour ?

  1. La fin de ce quatrain contient un rapprochement poétique et tout oriental de la douleur la plus vive, exprimée par le sang que le chagrin fait affluer vers le cœur, et de la joie la plus délicieuse que procure le sang de la vigne, ou le vin, dont est plein le flacon, auquel le poëte compare son cœur meurtri.
  2. Les commandements et les défenses contenus dans le Koran. Le poète ici n’épargne guère ses antagonistes ordinaires, les moullahs, auxquels ce quatrain s’adresse, Il leur reproche de s’écarter de la doctrine qu’ils prétendent puiser dans le Coran et qu’ils prêchent aux fidèles publiquement, en s’attachant cependant plus ardemment aux choses mondaines et passagères, réprouvées par le saint livre, qu’aux choses durables de la vie future, qui y est si délicieusement décrite.