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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


383

Ô mon cœur[1] ! tu n’arriveras point à pénétrer les secrets énigmatiques (des cieux) ; tu ne parviendras jamais au point culminant que les intrépides savants ont atteint. Résigne-toi donc à t’organiser icibas un paradis en faisant usage de la coupe et du vin, car là où est le paradis (futur), y arriveras-tu ? n’y arriveras-tu pas ?


384

Ceux qui sont partis avant nous, ô échanson ! sont couchés dans la poussière de l’orgueil[2] ; va boire du vin, va, écoute la vérité que je te dis : Tout ce qu’ils ont avancé n’est que du vent, sache-le, ô échanson !


385

De loin est apparu un sale individu. On eût dit que son corps était recouvert d’une chemise faite de fumée de l’enfer. Il n’était ni homme ni femme. Il a brisé notre flacon et répandu à terre le vin en rubis qu’il contenait, se glorifiant d’avoir commis un acte digne d’un homme[3].


présomption et la suffisance de leurs vains mérites.

  1. Par cette expression de tendresse, ô mon cœur ! Khèyam s’adresse à un profane quelconque, ainsi que le démontre la suite du quatrain. Il lui reproche son aveuglement, et le nargue sur le vain espoir qu’il nourrit d’aller un jour jouir en paradis des délices que lui promet le Koran.
  2. C’est-à-dire : ils sont morts dans la$
  3. C’est un moullah que le poëte veut dépeindre. En le décrivant comme arrivant de loin, Khèyam entend démontrer que c’est un profane et qu’il est très-éloigné de la secte des soufis. En disant qu’il a brisé le flacon de vin, le poëte fait allusion à la persuasion où sont les moullahs que, s’ils parviennent à briser ou à faire briser une cruche ou une jarre de vin, ils font un acte agréable à Dieu. « C’est autant de perdu, disent-ils, « pour le feu de l’enfer. » Il n’est pas rare, à présent même, de voir le gouvernement du roi décréter, à l’instigation du clergé, un ordre royal à l’effet de détruire les jarres des Arméniens qui font le commerce du vin. Ceux-ci se verraient bientôt menacés d’une ruine complète s’ils ne parvenaient, dans ces graves circonstances, à corrompre les fèrrachs royaux, chargés de répandre la liqueur défendue. Les fèrrachs ont l’intelligence des accommodements. Pour contenter tout le monde, le clergé, les Arméniens et le gouvernement, ils mettent une certaine quantité de lie de vin dans une ou plusieurs jarres pleines d’eau et les renversent en présence de la foule, émerveillée de voir les ordres du roi si scupuleusement et si rapidement exécutés.