Lève-toi, sors de ton lit, ô échanson ! donne, donne du vin limpide, ô échanson ! Avant qu’on fasse des cruches de nos crânes, verse du vin de la cruche dans le hoi, ô échanson[1] !
Cette hypocrisie (que je vois partout), ô échanson ! accahle mon cœur d’ennui. Lève-toi et apporte-moi gaiement du vin, ô échanson ! pour t’en procurer, mets en gage et le seddjadèh[2] et le féilessan[3]. Peut-être qu’alors mes arguments reposeront sur une hase plus solide.
Examine-toi, si tu es intelligent, et observe ce que tu as apporté dans le principe et ce que tu emporteras à la fin. Tu dis que tu ne bois pas de vin parce qu’on doit mourir. Que tu en boives, ami, ou que tu n’en boives pas, il faut toujours mourir[4].
Ouvre-moi la porte, car ce n’est que toi qui peux l’ouvrir ; montre-moi le chemin, car c’est toi qui montres la voie du salut. Je ne donnerai ma main à aucun de ceux qui voudront me relever, car tous sont périssables, il n’y a que toi d’éternel[5].
- ↑ Ce quatrain a beaucoup de portée, en persan, à cause du jeu de mots [Texte en persan], bol, et [Texte en persan], bol de la tête, crâne.
- ↑ Petit lapis sur lequel les Persans font leurs prières.
- ↑ Sorte de turban. (V. quatr. 191, n. 4.)
- ↑ Complète indifférence de la Divinité sur les actions des hommes ici-bas.
- ↑ Irrévérence à l’endroit des moullahs, dont le poëte refuse les conseils et l’appui, déclarant qu’il ne donnera point sa main, pour être relevé, à des hommes périssables comme lui, qu’il compte uniquement sur la miséricorde de Dieu, qui seul est éternel. Dieu seul, répète-t-il, d’après le Koran même, montre la bonne voie à ceux qu’il veut conduire, et égare ceux qu’il veut perdre. (Voyez le Koran, où il est dit, chapitre La vache, verset 274 : « Dieu éclaire ceux qu’il lui plaît, » et au verset 284, même chapitre : « Il fera grâce à qui il voudra, il punira qui il voudra ; » et au chapitre Les femmes, verset 90 : « Il n’y a plus de lumière pour ceux qu’il a plongés dans les ténèhres, » et au chapitre Èl-èéraf, verset 177 : « Ceux que Dieu éclaire marchent dans la voie du salut, ceux qu’il égare courent à leur perte. » Voyez aussi chapitre Le voyage nocturne, verset 48, où on lit ces mots : « Nous envelopperons leurs cœurs, afin qu’ils ne puissent comprendre, nous mettrons un poids dans leurs oreilles. »)