Page:Nicolas - Les Quatrains de Khèyam.djvu/228

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
202
LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


406

Lève-toi, sors de ton lit, ô échanson ! donne, donne du vin limpide, ô échanson ! Avant qu’on fasse des cruches de nos crânes, verse du vin de la cruche dans le hoi, ô échanson[1] !


407

Cette hypocrisie (que je vois partout), ô échanson ! accahle mon cœur d’ennui. Lève-toi et apporte-moi gaiement du vin, ô échanson ! pour t’en procurer, mets en gage et le seddjadèh[2] et le féilessan[3]. Peut-être qu’alors mes arguments reposeront sur une hase plus solide.


408

Examine-toi, si tu es intelligent, et observe ce que tu as apporté dans le principe et ce que tu emporteras à la fin. Tu dis que tu ne bois pas de vin parce qu’on doit mourir. Que tu en boives, ami, ou que tu n’en boives pas, il faut toujours mourir[4].


409

Ouvre-moi la porte, car ce n’est que toi qui peux l’ouvrir ; montre-moi le chemin, car c’est toi qui montres la voie du salut. Je ne donnerai ma main à aucun de ceux qui voudront me relever, car tous sont périssables, il n’y a que toi d’éternel[5].

  1. Ce quatrain a beaucoup de portée, en persan, à cause du jeu de mots [Texte en persan], bol, et [Texte en persan], bol de la tête, crâne.
  2. Petit lapis sur lequel les Persans font leurs prières.
  3. Sorte de turban. (V. quatr. 191, n. 4.)
  4. Complète indifférence de la Divinité sur les actions des hommes ici-bas.
  5. Irrévérence à l’endroit des moullahs, dont le poëte refuse les conseils et l’appui, déclarant qu’il ne donnera point sa main, pour être relevé, à des hommes périssables comme lui, qu’il compte uniquement sur la miséricorde de Dieu, qui seul est éternel. Dieu seul, répète-t-il, d’après le Koran même, montre la bonne voie à ceux qu’il veut conduire, et égare ceux qu’il veut perdre. (Voyez le Koran, où il est dit, chapitre La vache, verset 274 : « Dieu éclaire ceux qu’il lui plaît, » et au verset 284, même chapitre : « Il fera grâce à qui il voudra, il punira qui il voudra ; » et au chapitre Les femmes, verset 90 : « Il n’y a plus de lumière pour ceux qu’il a plongés dans les ténèhres, » et au chapitre Èl-èéraf, verset 177 : « Ceux que Dieu éclaire marchent dans la voie du salut, ceux qu’il égare courent à leur perte. » Voyez aussi chapitre Le voyage nocturne, verset 48, où on lit ces mots : « Nous envelopperons leurs cœurs, afin qu’ils ne puissent comprendre, nous mettrons un poids dans leurs oreilles. »)