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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


439

Ô vin limpide, vin plein d’émail ! je veux, fou que je suis, te boire en quantité telle, que quiconque m’apercevra de loin puisse, confondant mon identité avec la tienne, me dire : Ô maître vin ! dis-moi, d’où viens-tu ?


440

Sois la bienvenue, ô toi qui es le repos de mon âme ! Te voici arrivée, et cependant je ne puis en croire mes yeux. Oh ! pour l’amour de Dieu, et non pour l’amour de mon cœur, bois, bois du vin, bois-en au point que je puisse douter de ton identité !


441

Un cheikh[1] dit à une femme publique : « Tu es ivre. À chaque instant tu es prise dans les filets de chacun. ?  ? Elle lui répondit : « Ô cheikh ! je suis tout ce que tu dis ; mais toi, es-tu ce que tu parais être ? »


442

(Je l’ai déjà dit), le monde entier, semblable à une boule, roulerait dans un creux que, lorsque je dors ivre-mort, je ne m’en soucierais pas plus que si j’y voyais rouler un grain d’orge. Hier au soir je me suis laissé mettre en gage dans la taverne pour une coupe de vin. Le marchand de vin ne cessait de dire : « Ô l’excellent gage que je tiens là ! »


443

Tantôt tu es caché, ne te manifestant à personne ; tantôt tu te découvres dans toutes les choses créées[2]. C’est pour toi-même sans doute et pour ton plaisir que tu produis ces merveilleux effets, car tu es à la fois et l’essence du spectacle qu’on voit et ton propre spectateur.

  1. Vieillard, chef d’une communauté religieuee, prédicateur d’une mosquée.
  2. Le texte dit : [Texte en persan], les images de l’univers, c’est-à-dire : les créatures éphémères, qui ne sont ici-bas qu’une dans la réalité éternelle, Dieu, et devant y fiction, une illusion, toutes étant contenues rentrer.