Page:Nicolas - Les Quatrains de Khèyam.djvu/252

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
226
LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


457

Je voudrais que Dieu reconstruisît le monde, je voudrais qu’il le reconstruisît actuellement, pour que je pusse voir Dieu à l’œuvre. Je voudrais qu’il effaçât mon nom du bulletin de la vie, ou que de son trésor mystérieux il augmentât mes moyens d’existence.


458

Ô Dieu ! ouvre-moi une porte de tes bienfaits. Fais-moi parvenir mon pot-au-feu[1], afin que je n’en sois par redevable à tes créatures ; oh ! rends-moi ivre de vin[2], au point qu’affranchi de toute connaissance mes tourments de tête disparaissent.


459

Ô toi qui as été brûlé, puis brûlé encore, et qui mérites de l’être derechef ! toi qui n’es digne que d’aller attiser le feu de l’enfer ! jusques à quand prieras-tu la Divinité de pardonner à Omar ? Quel rapport existe-t-il entre toi et Dieu ? Quelle audace te pousse a lui apprendre à faire usage de sa miséricorde[3] ?


460

Moi, sans vin limpide je ne puis pas vivre ; mon corps est un fardeau que je ne puis traîner sans boire de ce jus de la treille. Oh ! que je me constitue l’esclave de ce moment délicieux où l’échanson me dit : « Encore une coupe ! » et que je n’ai plus la force de la saisir !


461

Il me reste encore un souffle de vie, grâce aux soins de l’échanson. Mais la discorde règne encore parmi les hommes. Je sais qu’il ne me reste qu’environ un mèn du vin d’hier au soir ; mais j’ignore l’espace de temps qui me reste encore à vivre.

  1. Le texte dit littéralement : « Ce qui est prêt, sous la main, le pot-au-feu, la fortune du pot. »
  2. C’est-à-dire : rends-moi ivre de ton amour, de l’extase de ta contemplation divine, etc.
  3. Cette imprécation contre les fidèles, qui, en priant la Divinité, semblent vouloir lui rappeler qu’elle a oublié de pardonner à un tel, d’exaucer la prière d’un tel, d’avoir fait telle ou telle chose en faveur d’un tel, est d’autant plus curieuse que le poète, sunnite, s’adresse ici à des chiites (partisans de la secte d’Ali), qui abhorrent le nom d’Omar, et que Khèyam lui-même portait ce nom.