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Page:Nicolas - Les Quatrains de Khèyam.djvu/30

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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


4

Nous n’avons éprouvé que chagrin et malheur dans ce monde qui nous sert un instant d’asile. Hélas ! aucun problème de la création ne nous y a été expliqué, et voilà que nous le quittons le cœur plein de regret (de n’y avoir rien appris sur ce sujet).


5

Ô khadjè[1], rends-nous licite un seul de nos souhaits, retiens ton haleine[2] et conduis-nous sur la voie de Dieu. Certes, nous marchons droit[3], nous ; c’est toi qui vois de travers ; va donc guérir tes yeux, et laisse-nous en paix.


6

Lève-toi, viens, viens, et, pour la satisfaction de mon cœur, donne-moi l’explication d’un problème[4] : apporte-moi vite une cruche de vin, et buvons avant que l’on fasse des cruches de notre propre poussière[5].


7

Lorsque je serai mort, lavez-moi avec le jus de la treille ; au lieu de prières, chantez sur ma tombe les louanges de la coupe et du vin, et si vous désirez me retrouver au jour dernier, cherchez-moi sous la poussière du seuil de la taverne.

  1. Moralistes, prédicateurs musulmans orthodoxes, que les vrais soufis regardent comme des hypocrites.
  2. En persan [Texte en persan] (dèm dér kèche) retiens ton haleine, pour tais-toi, silence, trêve de morale.
  3. C’est-à-dire : dans la bonne voie.
  4. C’est-à-dire : donne-moi une coupe de vin, car lui seul, en nous éloignant des soucis de ce monde, nous rapproche de la Divinité.
  5. Khèyam, bien que parlant pour lui, emploie, dans les deux premiers hémistiches de ce quatrain, le pronom de la première personne du pluriel, nous, au lieu de celui de la première personne du singulier, moi. Cet usage est assez répandu en Perse. Le roi lui-même, en parlant de sa personne, s’exprime souvent, non-seulement à la première personne du pluriel, mais encore à la troisième personne du singulier : Le roi veut, le roi ordonne, le roi pardonne. Également un sujet dit en parlant de lui-même : l’enclave dit, l’esclave obéit, etc.