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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


32

Je ne puis indistinctement dire mon secret aux mauvais comme aux bons[1]. Je ne puis donner de l’extension à l’exposé de ma pensée essentiellement brève. Je vois un lieu dont je ne puis tracer la description ; je possède un secret que je ne puis dévoiler.

33

La fausse monnaie n’a pas cours parmi nous[2]. Le balai en a déblayé entièrement notre joyeuse demeure. Un vieillard revenant de la taverne me dit : Bois du vin, ami, car bien des existences succéderont à la tienne durant ton long sommeil[3].

34

En face des décrets de la Providence rien ne réussit que la résignation. Parmi les hommes rien ne réussit que les apparences et l’hypocrisie. J’ai employé en fait de ruse tout ce que l’esprit humain peut inventer de plus fort, mais le destin a toujours renversé mes projets.

35

Si un étranger te témoigne de la fidélité, considère-le comme un parent ; mais si un parent vient à te trahir (en quoi que ce soit), regarde-le comme un malintentionné. Si le poison te guérit, considère-le comme un antidote, et si l’antidote t’est contraire, regarde-le comme un poison.

  1. Les dogmes des soufis sont enveloppés de mystères, et ils ont pour chaque degré de béatitude des secrets qu’ils cachent aux profanes et dont ils ne parlent que devant les initiés.
  2. Le poète entend par fausse monnaie tous ceux qui repoussent le dogme des soufis. Cette épithète injurieuse est surtout à l'adresse des docteurs de l’islamisme.
  3. C’est-à-dire : lorsque la partie matérielle de ton être sera rentrée dans la poussière à laquelle elle appartient.