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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


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Ce vieux caravansérail que l’on nomme le monde, ce séjour alternatif de la lumière et des ténèbres, n’est qu’un reste de festin de cent potentats comme Djèmchid[1]. Ce n’est qu’une tombe servant d’oreiller à cent monarques comme Bèhram[2].


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Pourquoi, aujourd’hui que la rose de ta fortune porte ses fruits, la coupe est-elle absente de ta main ? Bois du vin, ami, bois, car le temps est un ennemi implacable, et retrouver un jour pareil est chose difficile.


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Ce palais où Bèhram aimait à prendre la coupe dans sa main (est maintenant transformé en une plaine déserte) où la gazelle met bas, où le lion se repose. Vois ce Bèhram qui, au moyen d’un lacet, prenait les ânes sauvages, vois comme la tombe à son tour a pris ce même Bèhram[3] !

  1. Djèmchid, cinquième roi de la dynastie des Pich-Dadians. Son véritable nom était Djèm, qui signifie roi. On y a ajouté le mot chid, soleil, à cause de la grande beauté de sa personne et de l’éclat de ses belles actions. Les historiens persans lui attribuent la fondation de la ville de Istakhr ou Tèkhté-Djèmchid, trône de Djèmchid, Persépolis. Le noorouz (le nouveau jour), c’est-à-dire le premier jour de l’année solaire (salé chèmsi), qui commence dans le mois de ferverdïn (le 21 mars), au moment où le soleil passe dans le signe du bélier, a été institué par ce prince. Depuis cette époque, les souverains persans ont conservé celte fête, qu’ils célèbrent tous les ans avec beaucoup de pompe. Ce jour-là, le roi monte sur son trône et donne une audience solennelle où assistent tous ses ministres et les gouverneurs des provinces, lesquels, à l’approche de cette fête, sont tenus de se rendre à Téhéran. Les ambassadeurs des puissances étrangères sont ordinairement reçus ce jour-là en audiences particulières, qui précèdent l’audience générale. L’invention du vin est également attribuée, par quelques historiens persans, à Djèmchid. Il aimait, disent-ils, passionnément le raisin. Désolé de n’en pouvoir manger toute l’année, il imagina d’en faire exprimer le jus pour le conserver dans des vases. Au bout d’un certain temps, ce jus se trouva transformé en vin. Djèmchid en but, et le trouva si bon qu’il en rendit l’usage public. D’autres prétendent que l’invention de celte boisson est due à une jeune dame de la cour de Djèmchid. Minée par une maladie que les médecins avaient déclarée incurable, désolée et fatiguée de la vie, elle se décida à boire du jus de raisin resté par mégardc dans un vase et qu’elle croyait être du poison. Elle fut radicalement guérie. Djèmchid voulut en goûter et, l’ayant trouvé de son goût, il en recommanda l’usage.
  2. Bèhram-Gour, roi de Perse de la dynastie des Sassanides, fils et successeur de Yèzdèdjerd. Il fut cruel pour les chrétiens et terrible pour les ennemis de son pays. Les historiens persans le regardent comme un souverain d’un courage surhumain et comme un chasseur intrépide. Son surnom de Gour, onagre, lui vient de son amour pour la chasse de ces animaux. Selon Khandemir, cette passion fut cause de sa mort
  3. Tout le sel de ce quatrain consiste dans le jeu de mots [Texte en persan], âne sauvage, et [Texte en persan], tombe. Bèhram était, selon les historiens persans, un excellent archer. Il aimait la chasse passionnément, et surtout la chasse aux ânes sauvages. Un jour qu’il en poursuivait un troupeau dans les plaines deVéramïn, son cheval l’emporta dans un marais, et ils disparurent, lui et sa monture.