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Page:Nicolas - Les Quatrains de Khèyam.djvu/72

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LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


82

Au printemps j’aime à m’asseoir au bord d’une prairie, avec une idole semblable à une houri et une cruche de vin, s’il y en a, et bien que tout cela soit généralement blâmé, je veux être pire qu’un chien si jamais je songe au paradis.


83

Le vin couleur de rose dans une coupe vermeille est agréable. Il est agréable, accompagné des airs mélodieux du luth et des sons plaintifs de la harpe. Le religieux qui n’a aucune notion des délices de la coupe de vin est agréable, lui, quand il est à mille farsakhs loin de nous.


84

Le temps que nous passons dans ce monde n’a point de prix sans vin et sans échanson ; il n’a point de prix sans les sons mélodieux de la flûte de l’Irak[1]. J’ai beau observer les choses d’ici-bas, je n’y vois que la joie et le plaisir qui aient du prix : le reste n’est rien.


85

Sois sur tes gardes, ami, car tu seras séparé de ton âme : tu iras derrière le rideau des secrets de Dieu. Bois du vin, car tu ne sais pas d’où tu es venu ; sois dans l’allégresse, car tu ne sais pas où tu iras[2].

  1. Irak ou Irak-Adjèmi, province située au midi de la Perse, pays des Persans proprement dit.
  2. Il paraît évident que le poëte, par ce quatrain, s’adresse malicieusement aux profanes, aux docteurs de l’islamisme, qui n’ont pas comme les soufis une connaissance exacte de l’essence divine et qu’il les convie, dans leur ignorance, à chasser de leur esprit, par la joie et le vin, ce souci de l’incertitude qui, selon Khèyam, les accable et leur donne le vertige.