Page:Nicolas - Les Quatrains de Khèyam.djvu/80

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
54
LES QUATRAINS DE KHÈYAM.


99

Lorsque Dieu a confectionné la boue de mon corps, il savait quel serait le résultat de mes actes. Ce n’est pas sans ses ordres que je commets les péchés dont je suis coupable ; dans ce cas, pourquoi au jour dernier brûler dans l’enfer ?


100

Si tu as bu consécutivement, du vin durant une semaine, garde-toi de t’en priver le vendredi, car, selon notre religion à nous, il n’existe aucune différence entre ce jour-là et le samedi. Sois adorateur du Tout-Puissant et non pas adorateur des jours[1].


101

mon Dieu ! tu es miséricordieux, et la miséricorde, c’est de la clémence. Pourquoi donc le premier pécheur a-t-il été mis hors du paradis terrestre ? Si tu me pardonnes parce que je t’ai obéi, ce n’est point là de la miséricorde. La miséricorde existerait si tu me pardonnais, tout pécheur que je suis.


102

Laisse là la science et prends la coupe dans ta main. Ne t’inquiète pas du paradis et de l’enfer, recherche plutôt le Kooucer[2], vends ton turban de soie pour acheter du vin et n’aie aucune crainte. Débarrasse-toi de cette coiffure et enveloppe ta tête d’un simple cordon de laine[3].

  1. Notre poëte, on le voit, revient sans cesse à ses traits malins contre les moullahs. Il les raille sur la croyance qu’ils professent que les jours de la semaine sont plus ou moins sacrés, selon qu’ils se nomment vendredi, samedi ou dimanche. Il semble leur demander s’ils prétendent que Dieu ne les a pas laits tous égaux, s’ils pensent que lorsqu’on boit du vin le vendredi, le péché est plus grand que lorsqu’on en boit le samedi ou le dimanche. Par cette ironie il veut leur insinuer qu’ils devraient plutôt s’occuper de la Divinité et de ses mystères que de ces puérilités.
  2. Nom d’un ruisseau ou bassin dans le paradis de Mohammed où coule une liqueur plus blanche que le lait, plus douce que le sucre, plus pure que l’eau la plus limpide, plus parfumée que le musc. Les soufis disent, par moquerie sans doute, que cette liqueur est un vin délicieux, Le poète invite pieusement son interlocuteur à puiser dans la jarre ce nectar, qu’on lui promet dans Le paradis.
  3. Façon piquante, en persan, d’inviter les moullahs à quitter leurs somptueux costumes pour endosser la défroque des derviches soufis.