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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

condition s’exhalaient dans leurs sons plaintifs. Ces accents de douleur étaient bien conformes à ma situation ; aussi j’en ai été souvent attendri jusqu’aux larmes.

Le pays autour de la capitale n’est ni mieux peuplé, ni mieux cultivé que celui des provinces par lesquelles nous avions passé ; et ce n’est pas une des moindres singularités de ce monstrueux empire, qu’à mesure que l’on approche de la métropole, la langue russe se perd et le peuple ne parle que finnois. Le premier endroit qui nous frappa auprès de Pétersbourg, fut Gatchina, maison de plaisance du grand-duc Paul Petrowicz, aujourd’hui empereur. Sa résidence continuelle dans ce village en avait fait un bourg tout à fait dans le goût allemand. Le château y est bâti dans le style gothique ; il n’est cependant pas plus vieux que la monarchie, c’est-à-dire qu’il ne date même pas de cent ans. Arrêtés à la barrière, nous fûmes bien surpris de voir un sergent prussien venir nous questionner ; il avait un bonnet de grenadier pointu, des guêtres bien ajustées, une hallebarde, enfin tout l’attirail d’un soldat de Frédéric II ; il appartenait à la petite armée du grand-duc à qui Catherine, pour dédommagement d’un sceptre ravi, permettait de tourmenter à son gré une centaine de malheureux habillés à la prussienne.

Enfin, vers les trois heures de l’après-midi,