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COMPAGNONS DE CAPTIVITÉ.

plus estimables : il avait un esprit orné, un cœur sensible ; bon époux, bon père, bon citoyen, il souffrait infiniment de sa position, séparé de sa femme et de fille, dont il était adoré. J’ignorais que M. Bonneau fût dans cette prison, lorsque le lendemain du départ de mon ami Mostowski, le caporal m’ayant apporté un de mes livres, j’y trouvai ces mots, écrits d’une manière presque imperceptible entre les caractères du titre : Cherchez dans la table des matières. Je cherche là, et je trouve un petit billet de M. Bonneau où il me dit, qu’il gémit déjà dans cette prison depuis deux ans, qu’il me demande des nouvelles de sa femme et de sa fille, et qu’il me propose d’entretenir avec lui une correspondance suivie. Je lui répondis, en le consolant de mon mieux sur la santé et le sort de sa famille ; quant à la correspondance, la manière de la pratiquer par le moyen des livres me paraissant dangereuse, je lui en proposai une autre que voici :

Les commodités étaient situées à l’autre bout de la prison, à côté de la porte d’entrée ; lorsqu’un prisonnier voulait y aller, il s’annonçait à la garde qui sortait et criait à la sentinelle placée près de la porte, ces mots : Pustoli ? c’est-à-dire, n’y a-t-il personne ? et si l’on répondait par l’affirmative, le prisonnier sortait suivi de sa garde ; la sentinelle à la porte se mettait sous les armes en face de