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COMPAGNONS DE CAPTIVITÉ.

sante pour y cacher un billet avec sûreté ; j’avais compté les lattes jusqu’à l’endroit où elles formaient cette petite crevasse ; je l’indiquai donc de manière à ne pas pouvoir s’y tromper, à M. Bonneau. Au bout de quelques mois, lorsque l’usage de l’encre et des plumes me fut permis, nous nous écrivions continuellement par ce moyen, sans jamais être découverts. On m’envoyait quelquefois la Gazette de Hambourg, et comme il ne savait pas l’allemand, je lui en faisais des extraits. De temps en temps, nous nous querellions aussi au sujet de la politique ; lui, quoique très-loin d’être un démocrate enragé, paraissait cependant approuver les conquêtes de sa nation ; moi, je soutenais que cette ambition démesurée compromettrait et finirait peut-être par ruiner la cause pour laquelle on avait entrepris et la révolution et la guerre, la cause de la liberté. A ma sortie de la prison, j’employai tous les moyens, en mon pouvoir pour la faire quitter aussi à M. Bonneau. Il fut élargi dix jours après moi.

Le second prisonnier que je trouvai à mon arrivée, était un inconnu. Tout ce que j’ai pu apprendre de lui, par le moyen de M. Bonneau, était, qu’il paraissait Français de nation, enfermé là pour être venu à Pétersbourg sans passe-port. Après six mois de cette dure captivité, son esprit s’était dérangé ; on l’envoya à l’hôpital, et à peine