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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/229

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ÉLARGISSEMENT.

querai tout cela, me dit-elle. Vous vous rappelez que, pressé par votre ami Mostowski, vous fîtes une visite , il y a quelques jours, à la vieille princesse Czetwertynska, femme de celui qui, s’étant un des premiers vendu à la Russie, fut dans le ; cours de votre révolution jugé et pendu. Eh bien ! cette princesse, qui ne respire que haine et vengeance contre vous tous, et surtout contre vous, en votre qualité d’intime de Kosciuszko, c’est elle qui vous a joué le tour dont vous parlez. Vous ignoriez que cette vieille venait d’être nommée dame d’honneur de l’impératrice ; mais elle se l’est très-bien rappelé, car elle et tous ceux de son espèce vous craignent et cherchent par tous les moyens possibles à vous effrayer et à vous éloigner au plus tôt de Pétersbourg. » Je pestai pétrifié de cette profonde noirceur.

Jugeant par ce trait avec quelle facilité, non-seulement les oppresseurs de ma patrie, mais aussi mes compatriotes traîtres, pouvaient me perdre à la première occasion, j’attendais avec impatience le jour marqué pour notre départ. Ma parole à Kosciuszko était donnée, je ne pouvais plus la rétracter ; mes lettres d’affaires et d’adieux à mes parents, à mes amis en Pologne, étaient écrites ; tous les instants passés dans cette terrible capitale n’avaient été marqués pour moi