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ÉLARGISSEMENT.

au fin fond du Kamtchatka avec la même facilité, avec la même promptitude, avec laquelle il le déclara son égal et ordonna qu’on eût à s’agenouiller devant lui. On ne sait si les accès de folie qu’on lui voit fréquemment, sont une maladie attachée d’ordinaire aux couronnes, ou bien , comme on le dit, l’effet d’un breuvage que sa mère lui avait fait prendre. Toujours est-il certain que, sans la mort subite de sa mère, Paul Ier n’aurait jamais régné ; car ce n’est plus un secret, qu’elle voulait le déclarer inhabile à gouverner, et nommer pour son successeur le jeune grand-duc Alexandre Pawlowicz. Le peuple, qui a déjà obtenu de Paul quelque soulagement, et le soldat, qui reçut une augmentation de paye, le préfèrent à Catherine ; mais il n’en est pas de même des grands. Il sème moins la corruption et les ménage moins. Il est heureux pour Paul Ier que sa femme (chose rare !), n’aime ni le pouvoir ni l’intrigue, et que son successeur immédiat, Alexandre Pawlowicz, soit un prince doué des qualités les plus aimables et les plus douces ; sans cela il n’aurait pas régné six mois. Avec toutes ses extravagances et toutes ses folies, Paul Ier possède une vertu dont les princes se croient dispensés, je veux dire la justice, même en politique. De tous les souverains coalisés, il est le seul qui ait pris les armes sans aucune vue d’agrandissement ou d’intérêt ; il a dit aussi, et