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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS

Dans une nation entière de parvenus, qu’est-ce que c’est que la naissance ? Dans une monarchie qui ne compte pas encore un siècle de durée, qui peut citer des ancêtres, produire des privilèges, avoir des prétentions ? La faveur donc et le caprice, libres de toute entrave, tantôt se perchent sur les têtes élevées, tantôt s’abattent sur celles qui rampent dans la poussière. La vertu, la probité sont ignorées ; mais le courage, les talents militaires ne peuvent pas l’être chez une nation constamment guerroyante. Un officier d’un talent supérieur y est sûr de son avancement ; aussi la plupart des généraux russes se sont-ils élevés d’une position obscure aux premiers grades de l’armée, et Chruszczew était de ce nombre.

Haut de six pieds au moins et large à proportion, il avait l’air d’un athlète ; ses traits étaient réguliers ; on voyait dans ses airs et dans ses manières cette espèce de franchise militaire qu’on acquiert dans les camps ; ses actions dépeindront sa morale et celle de presque tous ses compatriotes. Ses vertus cardinales étaient l’astuce, la rapacité et la gourmandise ; je dis vertus, car je suis persuadé que de bonne foi il les regardait comme telles. Il se livrait aux pillages les plus in-


    sance, qui disposaient des événements et étaient à la tête des partis.

    (Note de l’auteur.)

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