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ITINÉRAIRE DES CAPTIFS.

avec rage : « Vous avez beau étudier toujours, vous ne serez jamais aussi savant que Pygmalion. » — « Pygmalion un savant ! s’écria Fischer avec un éclat de rire. » — « Vous vous en étonnez ? dit le major ; voyez comme avec vos livres vous êtes ignorants ; vous ne savez donc pas que Pygmalion, de notre religion grecque, était si savant, qu’ayant chez lui une fille faite de marbre, il lui apprit à parler, à lire et à écrire. » — « Ah ! oui, oui, je me le rappelle maintenant, interrompit Fischer, c’était du temps de l’impératrice Anne !! »

Encore si notre cher major s’était contenté de ses caprices brutaux et de ses sarcasmes spirituels dans la voiture ; mais il exerçait aussi au dehors des cruautés continuelles. À peine arrivions-nous dans une auberge, à peine le maître du logis paraissait-il, qu’il était régalé d’une paire de soufflets suivis d’un torrent de gros mots et d’injures. Le postillon sortait-il avec ses chevaux, voilà qu’aussitôt le major, un grand fouet à la main, courait à lui, et tout le temps qu’il mettait à atteler, l’accablait de coups. Quand l’aubergiste avait eu le bonheur de se cacher, et que le postillon s’éloignait pour chercher quelque chose, Titow ne restait pas inactif : toujours armé de son fouet, il s’en servait contre les badauds et les enfants attroupés autour de la voiture ; et, lorsque ceux-là