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Et je sais encore une chose : je suis maintenant devant mon dernier sommet et devant ce qui m’a été épargné le plus longtemps. Hélas ! il faut que je suive mon chemin le plus dur ! Hélas ! j’ai commencé mon plus solitaire voyage !

Mais celui qui est de mon espèce n’échappe pas à une pareille heure, l’heure qui lui dit : « Maintenant seulement tu suis ton chemin de la grandeur ! Le sommet et l’abîme — maintenant ils se sont confondus !

Tu suis ton chemin de la grandeur : maintenant ce qui était jusqu’à présent ton dernier danger est devenu ton dernier asile !

Tu suis ton chemin de la grandeur : il faut maintenant que ceci soit ton meilleur courage qu’il n’existe plus de chemins derrière toi !

Tu suis ton chemin de la grandeur : ici personne ne doit se glisser à ta suite ! Tes pas eux-mêmes ont effacé ton chemin derrière toi, et au-dessus de ton chemin il est écrit : Impossibilité.

Et si dorénavant toutes les échelles te manquent, il faudra que tu saches grimper sur ta propre tête : comment voudrais-tu autrement monter plus haut ?

Sur ta propre tête et au-delà, par dessus ton propre cœur ! Maintenant ta chose la plus douce va devenir la plus dure.

Celui qui s’est toujours beaucoup ménagé, son excès de ménagement finit par le rendre maladif. Béni soit ce qui rend dur ! Je ne vante pas le pays où coulent le beurre et le miel !