« Tout ce qui est droit ment, murmura le nain avec mépris. Toute vérité est courbée, te temps lui-même est un cercle. »
« Esprit de la lourdeur ! dis-je avec colère, ne prends pas la chose trop à la légère ! Ou bien je te laisse là, pied-bot — et c’est moi qui t’ai porté là-haut !
Vois cet instant ! repris-je. De ce portique du moment une longue et éternelle rue retourne en arrière : derrière nous il y a une éternité.
Toute chose qui sait courir ne doit-elle pas avoir parcouru cette rue ? Toute chose qui peut arriver ne doit-elle pas être déjà arrivée, accomplie, passée ?
Et si tout a déjà été ici : que penses-tu, nain, de cet instant ? Ce portique lui aussi ne doit-il pas déjà — avoir été ici ?
Et toutes choses ne sont-elles pas enchevêtrées de telle sorte que cet instant tire après lui toutes les choses de l’avenir ? Donc — — aussi lui-même ?
Car toute chose qui sait courir ne doit-elle pas suivre une seconde fois — cette longue rue qui monte ! —
Et cette lente araignée qui rampe au clair de lune, et ce clair de lune lui-même, et moi et toi, réunis sous ce portique, chuchotant des choses éternelles, — ne faut-il pas que nous ayons tous déjà été là ?
— Ne devons-nous pas revenir et courir dans cette autre rue qui monte devant nous, dans cette longue rue lugubre — ne faut-il pas qu’éternellement nous revenions ? — »
Ainsi parlais-je et d’une voix toujours plus basse, car j’avais peur de mes propres pensées et de mes arrière-