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L’origine de toutes bonnes choses est multiple, — toutes les bonnes choses pétulantes sautent de plaisir dans l’existence : comment ne feraient-elles cela — qu’une seule fois !

Le long silence, lui aussi, est une bonne chose pétulante. Et, pareil à un ciel d’hiver, regarder d’un visage clair avec des yeux ronds : —

— taire comme lui son soleil et son inflexible volonté de soleil : en vérité j’ai bien appris cet art et cette malice d’hiver !

C’est mon art et ma plus chère méchanceté que mon silence ait appris à mon silence de ne pas se trahir par le silence.

Par des paroles et des dés cliquetants je m’amuse à duper les gens solennels qui attendent : je veux que ma volonté et mon but échappent à leur sévère attention.

Afin que personne ne puisse regarder dans l’abîme de mes raisons et de ma dernière volonté, — j’ai inventé le long et clair silence.

J’ai trouvé plus d’un intelligent qui voilait son visage et qui troublait son eau, afin que personne ne puisse regarder au travers et au fond.

Mais c’est chez lui précisément que venaient les rusés méfiantset les casse-noix : on lui pêchait ses poissons les plus cachés !

Cependant, les clairs, les braves, et transparents — ceux-là sont pour moi les silencieux les plus rusés : leur fond est si profond que l’eau même la plus claire ne les — trahit point. —