Page:Nietzsche - Ainsi parlait Zarathoustra.djvu/429

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Parmi les filles du désert.
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« Ne t’en vas pas ! dit alors le voyageur qui s’appelait l’ombre de Zarathoustra, reste auprès de nous, — autrement la vieille et lourde affliction pourrait de nouveau s’emparer de nous.

Déjà le vieil enchanteur nous a prodigué ce qu’il avait de plus mauvais, et, regarde donc, le vieux pape si pieux a des larmes dans les yeux, et déjà il s’est de nouveau embarqué sur la mer de la mélancolie.

Il me semble pourtant que ces rois font bonne mine devant nous ; car, parmi nous tous, ce sont eux qui ont le mieux appris cela aujourd’hui. S’ils n’avaient pas de témoins, je parie que le mauvais jeu recommencerait, chez eux aussi —

— le mauvais jeu des nuages qui passent, de l’humide mélancolie, du ciel voilé, des soleils volés, des vents d’automne qui hurlent :

— le mauvais jeu de nos hurlements et de nos cris de détresse : reste auprès de nous, ô Zarathoustra ! Il y a ici beaucoup de misère cachée qui voudrait parler, beaucoup de soir, beaucoup de nuages, beaucoup d’air épais !

Tu nous as nourris de fortes nourritures d’hommes et de maximes fortifiantes : ne permets pas que, pour le dessert, les esprits de mollesse, les esprits efféminés nous surprennent de nouveau !