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grand bond vers l’incrédulité : ce ne sont pas là des paroles faciles à réparer sur la terre !

Mon vieux cœur saute et bondit de ce qu’il y ait encore quelque chose à adorer sur la terre. Pardonne, ô Zarathoustra, à un vieux cœur de pape pieux ! » —

— « Et toi, dit Zarathoustra au voyageur et à l’ombre, tu t’appelles et tu te figures être un esprit libre ? Et tu te livres ici à de pareilles idolâtries et à de pareilles momeries ?

En vérité, tu fais ici de pires choses que tu n’en faisais auprès des jeunes filles brunes et malignes, toi le croyant nouveau et malin ! »

« Cela est assez triste, répondit le voyageur et l’ombre, tu as raison : mais qu’y puis-je ! Le Dieu ancien revit, ô Zarathoustra, tu diras ce que voudras.

C’est le plus laid des hommes qui est cause de tout : c’est lui qui l’a ressuscité. Et s’il dit qu’il l’a tué jadis : chez les Dieux la mort n’est toujours qu’un préjugé. »

« Et toi, reprit Zarathoustra, vieil enchanteur malin, qu’as-tu fait ? Qui donc devra encore croire en toi, en ce temps de liberté, si tu crois à de pareilles âneries divines ?

Tu as fait là une bêtise ; comment pouvais-tu, toi qui es rusé, faire une pareille bêtise ! »

« Ô Zarathoustra, répondit l’enchanteur rusé, tu as raison, c’était une bêtise, — il m’en a coûté assez cher. »

« Et toi aussi, dit Zarathoustra, au consciencieux de l’esprit, réfléchis donc et mets ton doigt à ton nez ! Rien en cela ne gêne-t-il donc ta conscience ? Ton esprit n’est-il pas trop propre pour de pareilles adorations et l’encens de pareils bigots ? »