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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

le fleuve du devenir ; une vieille volonté de puissance me révèle ce que le peuple croit bon et mauvais.

C’est vous, ô sages parmi les sages, qui avez placé de tels hôtes dans ce canot ; vous les avez ornés de parures et de noms somptueux, — vous et votre volonté dominante !

Maintenant le fleuve porte en avant votre canot : il faut qu’il le porte. Peu importe que la vague brisée écume et résiste à sa quille avec colère.

Ce n’est pas le fleuve qui est votre danger et la fin de votre bien et de votre mal, ô sages parmi les sages : mais c’est cette volonté même, la volonté de puissance, — la volonté vitale, inépuisable et créatrice.

Mais, afin que vous compreniez ma parole du bien et du mal, je vous dirai ma parole de la vie et de la coutume de tout ce qui est vivant.

J’ai suivi ce qui est vivant, je l’ai poursuivi sur les grands et sur les petits chemins, afin de connaître ses coutumes.

Lorsque la vie se taisait, je recueillais son regard sur un miroir à cent facettes, pour faire parler son œil. Et son œil m’a parlé.

Mais partout où j’ai trouvé ce qui est vivant, j’ai entendu les paroles d’obéissance. Tout ce qui est vivant est une chose obéissante.

Et voici la seconde chose : on commande à celui qui ne sait pas s’obéir à lui-même. C’est là la coutume de ce qui est vivant.