Ô mon âme, j’ai versé sur toi toutes les clartés et toutes les obscurités, tous les silences et tous les désirs : — alors tu as grandi pour moi comme un cep de vigne.
Ô mon âme, tu es là maintenant, lourde et pleine d’abondance, un cep de vigne aux mamelles gonflées, chargé de grappes de raisin pleines et d’un brun doré : —
— pleine et écrasée de ton bonheur, dans l’attente et dans l’abondance, honteuse encore dans ton attente.
Ô mon âme, il n’y a maintenant plus nulle part d’âme qui soit plus aimante, plus enveloppante et plus large ! Où donc l’avenir et le passé seraient-ils plus près l’un de l’autre que chez toi ?
Ô mon âme, je t’ai tout donné et toutes mes mains se sont dépouillées pour toi : — et maintenant ! Maintenant tu me dis en souriant, pleine de mélancolie : « Qui de nous deux doit dire merci ? —
— n’est-ce pas au donateur à remercier celui qui a accepté d’avoir bien voulu prendre ? N’est-ce pas un besoin de donner ? N’est-ce pas — pitié de prendre ? » —
Ô mon âme, je comprends le sourire de ta mélancolie : ton abondance tend maintenant elle-même les mains, pleines de désirs !
Ta plénitude jette ses regards sur les mers mugissantes, elle cherche et attend ; le désir infini de la plénitude jette un regard à travers le ciel souriant de tes yeux !