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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

récages : ainsi je jette un coup d’œil dédaigneux sur le gris fourmillement des petites vagues, des petites volontés et des petites âmes.

Trop longtemps on leur a donné raison, à ces petites gens : et c’est ainsi que l’on a fini par leur donner la puissance — maintenant ils enseignent : « Rien n’est bon que ce que les petites gens appellent bon. »

Et ce que l’on nomme aujourd’hui « vérité », c’est ce qu’enseigne ce prédicateur qui sortait lui-même de leurs rangs, ce saint bizarre, cet avocat des petites gens qui témoignait de lui-même « je — suis la vérité ».

C’est ce présomptueux qui est cause que depuis longtemps déjà les petites gens se dressent sur leurs ergots — lui qui, en enseignant « je suis la vérité », a enseigné une lourde erreur.

Fit-on jamais réponse plus courtoise à pareil présomptueux ? Cependant, ô Zarathoustra, tu passas devant lui en disant : « Non ! Non ! Trois fois non ! »

Tu as mis les hommes en garde contre son erreur, tu fus le premier à mettre en garde contre la pitié — parlant non pas pour tout le monde ni pour personne, mais pour toi et ton espèce.

Tu as honte de la honte des grandes souffrances ; et, en vérité, quand tu dis : « C’est de la compassion que s’élève un grand nuage, prenez garde, ô humains ! »

— quand tu enseignes : « Tous les créateurs sont durs, tout grand amour est supérieur à sa pi-