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AINSI PARLAIT ZARATHOUSTRA

« Et toi, reprit Zarathoustra, vieil enchanteur malin, qu’as-tu fait ? Qui donc croira encore en toi, en ce temps de liberté, si tu crois à de pareilles âneries divines ? »

Tu as fait une bêtise ; comment pouvais-tu, toi qui es rusé, faire une pareille bêtise ! »

« Ô Zarathoustra, répondit l’enchanteur rusé, tu as raison, c’était une bêtise, — il m’en a coûté assez cher. »

« Et toi aussi, dit Zarathoustra au consciencieux de l’esprit, réfléchis donc et mets ton doigt à ton nez ! En cela rien ne gêne-t-il donc ta conscience ? Ton esprit n’est-il pas trop propre pour de pareilles adorations et l’encens de pareils bigots ?

« Il y a quelque chose dans ce spectacle, répondit le consciencieux, et il mit le doigt à son nez, il y a quelque chose dans ce spectacle qui fait même du bien à ma conscience.

Peut-être n’ai-je pas le droit de croire en Dieu : mais il est certain que c’est sous cette forme que Dieu me semble le plus digne de foi.

Dieu doit être éternel, selon le témoignage des plus pieux : qui a du temps de reste s’accorde du bon temps. Aussi lentement et aussi bêtement que possible : avec cela il peut vraiment aller loin.

Et celui qui a trop d’esprit aimerait à s’enticher même de la bêtise et de la folie. Réfléchis sur toi-même, ô Zarathoustra !

Toi-même — en vérité ! tu pourrais bien, par excès de sagesse, devenir un âne.