Il est vrai que tu voudrais l’appeler par son nom et la caresser ; tu voudrais la prendre par l’oreille et te divertir avec elle.
Et voici ! Maintenant elle aura en commun avec le peuple le nom que tu lui donnes, tu es devenu peuple et troupeau avec ta vertu !
Tu ferais mieux de dire : « Ce qui fait le tourment et la douceur de mon âme est inexprimable et sans nom, et c’est aussi ce qui cause la faim de mes entrailles. »
Que ta vertu soit trop haute pour la familiarité des dénominations : et s’il te faut parler d’elle, n’aie pas honte de balbutier.
Parle donc et balbutie : « Ceci est mon bien que j’aime, c’est ainsi qu’il me plaît tout à fait, ce n’est qu’ainsi que je veux le bien.
Je ne le veux point tel le commandement d’un dieu, ni tel une loi et une nécessité humaine : qu’il ne me soit point un indicateur vers des terres supérieures et vers des paradis.
C’est une vertu terrestre que j’aime : il y a en elle peu de sagesse et moins encore de sens commun.
Mais cet oiseau s’est construit son nid auprès de moi : c’est pourquoi je l’aime avec tendresse, — maintenant il couve chez moi ses œufs dorés. »
C’est ainsi que tu dois balbutier, et louer ta vertu.
Autrefois tu avais des passions et tu les appelais des maux. Mais maintenant tu n’as plus que tes vertus : elles naquirent de tes passions.