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AURORE

« Dieu qui voit au fond du cœur », non seulement l’homme qui agit et qui réfléchit à son action, — mais encore n’importe quelle autre personne ne doute pas qu’elle ne comprenne le phénomène de l’action chez toute autre personne. « Je sais ce que je veux, ce que j’ai fait, je suis libre et responsable de mon acte, je rends les autres responsables de ce qu’ils font, je puis nommer par leur nom toutes les possibilités morales, tous les mouvements intérieurs qui précèdent un acte ; quelle que soit la façon dont vous agissez, — je m’y comprends moi-même et je vous y comprends tous ! » — C’est ainsi que tout le monde pensait autrefois, c’est ainsi que pense encore presque tout le monde. Socrate et Platon qui, en cette matière, furent de grands sceptiques et d’admirables novateurs, furent cependant innocemment crédules pour ce qui en est de ce préjugé néfaste, de cette profonde erreur, qui prétend que « le juste entendement doit être suivi forcément par l’action juste ». — Avec ce principe ils étaient toujours les héritiers de la folie et de la présomption universelles qui prétendent que l’on connaît l’essence d’une action. « Ce serait affreux, si la compréhension de l’essence d’un acte véritable n’était pas suivie par cet acte véritable », — c’est là la seule façon dont ces grands hommes jugèrent nécessaire de démontrer cette idée, le contraire leur semblait inimaginable et fou — et pourtant ce contraire répond à la réalité toute nue, démontrée quotidiennement et à toute heure, de toute éternité. N’est-ce pas là précisément la vérité « terrible » que ce