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AURORE

ce plaisir à d’autres cerveaux lucides et demi-lucides : mon étonnement et ma tristesse sont sans fin. Combien doit être grand le plaisir que nous font les incompréhensibles sottises ! Combien près de l’insensé se trouve encore l’homme lorsqu’il écoute ses secrets désirs intellectuels ! — (Qu’est-ce donc qui disposait Schopenhauer à une telle reconnaissance à l’égard de Kant, à de si profondes obligations ? Il l’a révélé une fois sans équivoque. Quelqu’un avait parlé de la façon dont la qualitas occulta pouvait être enlevée à l’impératif catégorique pour rendre celui-ci intelligible. Sur ce, Schopenhauer de s’écrier : « Intelligibilité de l’impératif catégorique ! Idée profondément erronée ! Ténèbres d’Égypte ! Plaise au ciel qu’il ne devienne intelligible ! C’est justement qu’il y ait quelque chose d’inintelligible, que cette misère de la raison et de ses concepts soit quelque chose de limité, de conditionné, de fini, de trompeur : c’est cette certitude qui est le grand résultat de Kant. » — Je laisse à penser, si quelqu’un possède la bonne volonté de connaître les choses morales, lorsque, de prime-abord il s’exalte sur la croyance en l’inintelligibilité de ces choses ! Quelqu’un qui croit encore loyalement aux illuminations d’en haut, à la magie et aux apparitions et à la laideur métaphysique du crapeau !).

143.

Malheur à nous si cette tendance se mettait à faire rage ! — En admettant que la tendance au