Page:Nietzsche - Aurore.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
294
AURORE

Wesley par Bœhler, son maître spirituel) : « Prêche la foi jusqu’à ce que tu l’aies trouvée, alors tu la prêcheras parce que tu l’as ! » —

326.

Connaître ses circonstances. — Nous pouvons évaluer nos forces, mais non pas notre force. Non seulement ce sont les circonstances qui nous la montrent et nous la dérobent tour à tour, mais encore les mêmes circonstances qui l’agrandissent ou la rapetissent. Il faut se considérer comme une grandeur variable dont la capacité productrice peut, dans des circonstances favorables, atteindre ce qu’il y a de plus élevé : il faut donc réfléchir sur les circonstances et être plein d’ardeur à les observer.

327.

Une fable. — Le don Juan de la connaissance : aucun philosophe, aucun poète ne l’a encore découvert. Il lui manque l’amour des choses qu’il découvre, mais il a de l’esprit et de la volupté et il jouit des chasses et des intrigues de la connaissance — qu’il poursuit jusqu’aux étoiles les plus hautes et les plus lointaines ! — jusqu’à ce qu’enfin il ne lui reste plus rien à chasser, si ce n’est ce qu’il y a d’absolument douloureux dans la connaissance, comme l’ivrogne qui finit par boire de l’absinthe et de l’eau-forte. C’est pourquoi il finit par désirer l’enfer, — c’est la dernière connaissance qui le séduit. Peut-être qu’elle aussi le désappointera comme tout ce qui lui est connu ! Alors il lui fau-