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AURORE

seau que l’on a découvert le sens pour la beauté des sites alpestres et des déserts.

428.

Deux espèces de moralistes. — Voir et voir complètement, pour la première fois, une loi de la nature, c’est-à-dire démontrer cette loi (par exemple, celle de la chute des corps, de la réflexion, de la réfraction du son), c’est là tout autre chose que de l’expliquer, et aussi l’affaire de tous autres esprits. C’est ainsi que se distinguent aussi ces moralistes qui voient et notent les lois et les habitudes humaines — les moralistes à l’oreille, au nez et à l’œil subtils — de ceux qui expliquent ce qu’ils ont observé. Il faut que ces derniers soient avant tout inventifs et qu’ils possèdent une imagination déliée par la sagacité et le savoir.

429.

La nouvelle passion. — Pourquoi craignons et haïssons-nous la possibilité d’un retour à la barbarie ? Serait-ce peut-être parce que la barbarie rendrait les hommes plus malheureux qu’ils ne le sont ? Hélas, non ! Les barbares de tous les temps avaient plus de bonheur : ne nous y trompons pas. — Mais c’est notre instinct de connaissance qui est trop développé pour que nous puissions encore apprécier le bonheur sans connaissance, ou bien le bonheur d’une illusion solide et vigoureuse ; nous souffrons rien qu’à nous représenter un pareil état de choses ! L’inquiétude de la décou-